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Pas de justice, pas de paix

Je reprends mon histoire de regards, car cette dernière session de photos m'a fait prendre conscience à quel point les choses ont basculé à l'occasion de cette manifestation. Comme quoi, les chiffres de mobilisation n’étaient même pas encore connus que la confiance était déjà revenue dans les regards, sous la forme d’une assurance ferme, qu’elle soit calme ou exaltée. 




Nous avons pourtant eu droit aux mêmes démonstrations de force : tirs de grenades lacrymos pour enfumer toute la place de la Nation, déploiements spectaculaires de CRS, restructuration de l’espace à coup de barrages anti-émeutes… Mais rien n’y a fait. Il y a quelques jours encore, je saisissais systématiquement une colère froide, triste et parfois apeurée sur les visages des manifestants. Mais cette fois, j’y ai trouvé une nonchalance souriante. La peur passée, les manifestants se sont désormais équipé et ont accepté le rapport de force, tandis que du côté des forces de l’ordre, les regards se sont assombris, les expressions sont devenues moins assurées. Il faut dire qu’entendre des musiciens continuer à jouer sous les encouragements des spectateurs qui les entourent, alors que des grenades atterrissent à quelques mètres seulement, apparaît, en soi, comme une victoire éclatante.
 









L’entrée en lutte des travailleurs de secteurs stratégiques y est évidemment pour beaucoup dans ce regain de confiance. Nous sommes ainsi de nouveau sortis d’une amnésie habilement maintenue quant au fait qu’une grève des travailleurs est en mesure d’avoir une réelle influence. Sans surprise, le grand parti qui se réclamait encore de l’histoire du Front Populaire le 1er mai dernier n’a pas tardé à tenter de décrédibiliser l’initiative, comme toutes les précédentes de ces dernières semaines. Le gouvernement n’en est plus à une contradiction près de toutes façons. Il proclame qu’un syndicat ne peut imposer un texte de loi, mais dans une démocratie parlementaire, un gouvernement ne devrait pas non plus être en mesure de le faire. Il accuse par ailleurs les syndicats de travailleurs, mais laisse agir le reste du temps un syndicat patronal autrement plus influent usant de pressions moins visibles mais déterminantes sans rien trouver à en redire. Or l’injustice est un sentiment puissant. En l’alimentant, le gouvernement jette de l’huile sur le feu d’une manière d’autant plus fulgurante qu’il se réclame d’un courant politique né de l’idée même de combattre cette injustice. On nous dit que ces mouvements ne sont pas « légitimes ». Vraiment ? Que traduisent les regards que l’on discerne dans la rue alors ? Il semble bien que la légitimité se loge plus aisément ici que chez les détenteurs d’un pouvoir corrompu par le carriérisme, les retournements de veste et les conflits d’intérêts.



Autour de Valls, motivés par la pressante nécessité d’assurer leur avenir immédiat au sommet de l’Etat, nos dirigeants ont ainsi commencé à s’agiter, isolant de plus en plus le premier ministre. Aucun doute sur le fait que chacun trouvera une « sortie de crise » qui lui permettra de ne pas y laisser trop de plumes à court terme. Mais il apparaît, s’il était encore nécessaire, que cette manière de gouverner est particulièrement dangereuse pour l’avenir. Une forme de système qui rend possible une attitude aussi destructrice de la part du pouvoir exécutif doit être changée, car elle est en train de nous mener au pire. Espérons que la crise actuelle ait suffisamment fait renaître la confiance et l’espoir chez ceux qui luttent et surtout chez ceux qui hésitent encore à le faire. Car il est évident que tout cela va bien au-delà de la Loi travail, il en va de la survie même de l’idée de Gauche, actuellement en train de se redéfinir autrement que la forme faussement bien-pensante d'un neo libéralisme débridé depuis trop longtemps. C’est bien de cela dont parlaient les gens assis sur la Place de la République dans les heures qui ont suivi la manifestation. Et c’est bien de cela dont il va s’agir dans les prochains temps : lutter pour que notre république ne s’enferme plus dans la maxime thatchérienne et anti-démocratique du « there is no alternative ». Car l’on sait bien vers où elle nous mène depuis déjà quelques décennies.






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