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Voter aux Primaires de la droite est une erreur politique majeure.

Par ce texte, je tente une dernière argumentation s'adressant à mes proches qui envisagent de voter aux primaires de la droite demain, et qui ont encore un doute. Voter demain n’est ni un bon moyen de lutter contre les idées de droite, ni la base d'un véritable barrage contre l'extrême droite. Bien au contraire.

Voter pour Alain Juppé une deuxième fois reviendra j'imagine pour vous à dire que les idées réactionnaires de François Fillon sont inacceptables. Preuve que la stratégie marcherait : Nicolas Sarkozy a été jeté comme un malpropre la semaine dernière, grâce aux vous, électeurs de gauche qui n’avez pas hésité à vous salir les mains. En soi, c’est une victoire. C’est vrai qu’on est tous contents de ne plus avoir à supporter sa gueule, moi le premier. Mais quel est le prix à payer pour cette petite victoire, pour se débarrasser (certainement temporairement) d'une trogne qui ne nous revenait pas ? Car son départ s’est fait au profit de son ancien premier ministre, qui l’a doublé par sa droite... Or doubler par la droite Sarkozy, c’est tout de même pas rien. « On ne pouvait pas revivre un mandat Sarkozy deux fois » ai-je entendu. Certes, mais on va vers encore pire, si la droite est élue…

Après le tout sauf Sarkozy, et avant le tout sauf Le Pen, place donc au tout sauf Fillon. Ce n’est plus une élection, c’est une télé-réalité : on vire celui qu’on déteste le plus, en espérant garder celui qu’on déteste le moins. Soit un exercice qui n’a absolument plus rien à voir avec le suffrage universel comme moyen d’expression politique du peuple. Pour m’expliquer, je vais essayer de clarifier trois conséquences directes que je vois à aller voter en masse demain à ce second tour.

La première, c'est qu'une grande participation va redorer la légitimité du Républicain qui sortira vainqueur. Une aubaine, puisque justement la légitimité des candidats PS et Républicain commençait à sérieusement décliner. Imaginez, sans les primaires, à quoi ressemblerait le come-back poussiéreux du Premier ministre tombé lors des grèves de 1995, et l’acharnement de celui qui fut l’ombre de Sarkozy pendant 5 ans. Ils auraient été un peu pathétiques, il faut bien se l’avouer. Alors que là, Juppé est en mesure de séduire la gauche, avant même la présidentielle, un véritable miracle. Face à lui, il y a un engouement, et même une « vague Fillon », paraît-il, un véritable « renouveau ». Magnifique ! Que pouvait-il espérer de mieux ce réac parmi les réac, que d’être adoubé par les anti-Sarkozystes. Avouez qu’il y a de quoi sourire… Fillon plus à droite que Sarkozy, sorti par les anti sarkozystes qui trouvaient ce dernier trop à droite… Bref, quel que soit le candidat qui sortira vainqueur demain, il pourra ainsi se tenir « droit dans ses bottes », torse gonflé et menton levé, puisqu’il aura été choisi par des électeurs de droite, comme de gauche ! Le taux de participation sera énorme, l'argent coulera à flot (plusieurs millions fois 2 euros). Un vrai rassembleur « de tous les français », comme ils disent, avant même que le scrutin ait commencé. Peut-être qu’à l’inverse, saper ces primaires et s’assurer qu’elles aient un taux de participation minime aurait aidé à faire passer l’idée que ces candidats là sont tous simplement non désirés… Tandis que, catapultés par le succès des primaires, et balancés comme « murailles » aux FN, ils ne vont pas hésiter à puiser allègrement dans les thématiques sécuritaires et déclinistes avec entrain. Vous voyez le tableau…

Et puis après tout, à bien réfléchir, si on réduit le vote à de la pure stratégie, sortir Sarkozy n’était peut-être pas la meilleure des approches. Car Fillon et Juppé sont bien mieux placés que lui pour remporter la présidentielle. La haine anti-Sarko aurait peut-être pu jouer au premier tour… Les cartouches n’auraient-elles pas été grillées trop tôt ? Fillon semble en mesure de porter les mêmes idées au pouvoir désormais, sans trop de difficulté. Il est plus calme. Il est propre d’un point de vue judiciaire. N’est-ce pas un réactionnaire, un pur de chez pur, des plus présentables ? J’irai même plus loin : est-il finalement si différent de Juppé ? Leurs programmes, sont-ils si vraiment opposés ? Ils appartiennent bien au même parti, ont été ministres tous les deux pour Sarkozy, et leurs divergences ne sont qu'affaire de nuances… du moins, le temps de la campagne des primaires. Leurs débats font parti du show, puisqu’à l’arrivée il n’y aura qu’un seul vainqueur dans cette histoire : le parti des Républicains. Pour ma part, je suis trop attaché à mes valeurs de gauche pour me contenter d’un candidat qui se dit un poil moins à droite que l’autre. Surtout que rien ne garantit que l’un sera veritablement plus tendre. Ils sont tous les deux d’accord pour augmenter le temps de travail, « restaurer l’autorité », contourner les syndicats, reculer l'âge de la retraite, maintenir l'austérité, ... le reste est affaire de simples modalités. Et concernant des modalités soit disant plus douces, depuis quand les discours de campagne sont-ils à prendre pour argent comptant ? « Mon ennemi c’est la finance », vous vous rappelez ? Si Juppé devient président, il y a de fortes chances que Fillon soit ministre… avouez, ce serait un comble, mais c'est possible ! Et si Fillon devient président, soyons un peu imaginatifs… Sarkozy pourrait bien avoir quelques responsabilités… peut-être en charge d’une « mission », d’une « consultation ». On n’élimine pas les candidats républicains en votant contre eux. On choisit juste lequel occupera l’Elysée, et lesquels seront répartis dans les ministères. C’est se tromper totalement que de penser être plus malin qu’eux concernant les petites stratégies électorales. Peu importe ce que vous votez, ce qu’ils veulent, ce sont de gros chiffres de participation, un plaidoyer pour leurs programmes de droite, la stature de présidentiables crédibles, et une carte blanche pour appeler à voter aux primaires de la gauche.

Car en effet, la troisième conséquence, et pas des moindres, est de se dire que ce comportement va engendrer le même phénomène inversé lors de la primaire de la gauche. Puisque tout le monde a désormais le droit de venir se prononcer sur les candidats de chaque bord, la droite va venir dire son mot, pas de doute là-dessus. Dans ces conditions, pensez vous qu’une candidature éventuelle de Christiane Taubira (qui suscite, je le vois, beaucoup d’attentes) pourrait résister une seconde face aux votes en masse des soutiens de la manif pour tous ? Non, ils voteront pour le plus centriste, (le plus à droite serais-je tenté de dire). En votant pour les primaires de droite vous légitimez donc ce nouveau fonctionnement pré-électoral, et nous allons payer le prix fort. La normalisation des partis dits de gouvernements va atteindre des sommets encore inconnus (et pourtant, elle est déjà pas mal). Candidat de droite bénéficiant des chiffres de participations rendus possibles par des électeurs de gauche, candidat de gauche tirés vers le centre par des électeurs de droite… un véritable sommet « d’UMPS », qui ne peut que donner de nouveaux arguments à celle que vous pensez justement combattre en agissant de la sorte, et qui se garde bien de dire quoique ce soit, vous l’aurez remarqué. Soyons honnêtes, moi aussi bien sûr Fillon me terrifie. Je ne peux envisager une seconde qu’il soit président. Mais à jouer les petits stratèges, autant aller jusqu’au bout : peut-être aurait-il plus de chances de grignoter des voix à l’extrême droite que Juppé. Il serait sûrement alors un meilleur barrage au FN, l’empêchant d’accéder au second tour. Si on suit donc la logique que vous avez entamée, il serait logique que vous votiez Fillon. Voyez où ça nous mène. Le problème ne se résout pas, il se déplace, il se retarde au mieux. Car même si Le Pen perd la présidentielle, aucune alternative n’aura émergé. Et que se passera-t-il alors aux législatives ?

Notre démocratie représentative était déjà très, très mal en point. La tenue de ces primaires et les comportements de peur qu’elles engendrent la frappent encore plus fort. C’est un véritable piège, qui nous conduit au final tout droit vers ce que l’on redoute le plus. Le vote doit être l’expression d’une adhésion. Et si, au pire, s’il n’y a pas de candidat qui suscite une adhésion, il ne doit pas aider ceux pour qui l’on ne voulait pas voter à la base... En votant demain vous maintenez les mêmes en position d’accéder au pouvoir… et vous favorisez la progression du FN. Les seules luttes pour ceux qui croient encore aux idées de gauche qui peuvent, je pense, être efficaces, se situent dans les votes courageux au premier tour, dans des votes courageux aux législatives, et bien sûr, dans la rue quand c’est nécessaire. Car quand le vote n’est plus qu’une farce, il faut bien trouver d’autre moyen de se dresser. Nous avons un pouvoir immense pour les dégager une fois pour toutes. Mais il ne réside pas dans ce petit jeu qu’ils ont organisé pour nous, afin que nous ayons l’impression de "faire quelque chose."

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